15. Fr Edouard Divry o. p. Erreurs comparées : « Rien de neuf sous le
soleil » (Qo 1, 9)
Un ami dominicain
de Notre-Dame de Kabylie, Père Édouard Divry, nous a fait parvenir
une étude du plus grand intérêt sur le lien entre les grandes hérésies du
christianisme et l'islam. Notre site le remercie très vivement pour cette
contribution à une meilleure connaissance de l'islam chez les
lecteurs de ce site.
Erreurs comparées : « Rien de neuf sous le soleil » (Qo 1, 9)
Origine de l’homme
Selon Pélage et Céleste (Ve s. après J.-C.), hérétiques condamnés au Concile d’Éphèse (431), les nouveau-nés se trouvent dans l’état où s’est trouvé Adam avant la prévarication. L’islam nie pareillement le
dogme du péché originel, état de péché contracté par tous à partir
du péché des origines aux conséquences universelles (cf. Rm 5, 19). L’islam affirme en outre que tout homme
naît musulman et que les hommes déforment cette appartenance.
Destin
Ce qui occasionna bien des luttes des chrétiens contre le fatalisme au nom de la liberté chrétienne (cf. Ga 5, 1), ce fut la nécessité stoïcienne (anankè), le destin, la moira. Puis de
manière équivalente apparut la même idée en milieu arabe, le mektub (ce qui est écrit). Cela constitue un substrat inconscient de franges considérables de la croyance des hommes et en particulier de nos jours chez les musulmans. Le slogan qui résume cette pensée s’énonce :
« Tout est d’avance écrit par Dieu.» En particulier, la branche la plus traditionnelle de l’islam, le Hanbalisme, enseigne que le destin est « le pouvoir de Dieu, du fait qu’il procède de sa puissance
et sans doute de l’universalité de celle-ci ; il fait également partie du
secret caché de Dieu que lui seul, gloire
à lui, le Très Haut connaît, écrit sur la table gardée, dans un Livre caché que nul hormis Dieu n’en a connaissance et nous ne pouvons connaître le destin que Dieu a décrété à ses créatures qu’après sa survenance ou l’information authentique à son sujet » (Ahmad ibn
Hanbal, 780-850).
Unicité absolue
Chez Arius (IVe s.) qui niait la divinité plénière du Fils et de l’Esprit, la conception de l’unicité de Dieu était particulièrement rigide. « Un et seul (monos) Dieu », enseigné par la Tradition apostolique et en particulier par le Symbole de Nicée (325), se comprenait chez les Ariens comme une affirmation sur Dieu « sans commencement et le plus absolument un (anarxos monôtatos)» (Épitre à Alexandre, Opitz 3, 12). Parlant de Dieu, il s’agissait donc
d’une monade sans partage, comme ce le sera pour l’islam qui rejette la Trinité comme un polythéisme (sourates 4, 171 ; 5,
73-74).
Le mot « monothéisme » (littéralement, unique Dieu) n’a été inventé qu’au XVIIe siècle. Le mot monos signifie « seul » mais aussi il peut signifier « solitaire ». Alors que le Dieu des chrétiens est amour, communion trinitaire, dans une unicité parfaite qui le range plus
exactement dans un hénothéisme plutôt qu’un monothéisme ambigu, le monothéisme musulman
affirme un Dieu absolument solitaire, car sans association possible (tawîd).
Révélation incréée
L’aile la plus rigoriste du monophysisme, hérésie proclamant une seule nature divino- humaine en Jésus-Christ
et condamnée à Chalcédoine (451), enseignait que le Christ, le Verbe de Dieu incarné, avait pris un corps non seulement incorruptible, mais totalement incréé (cf. PG 86, 44).
Il est remarquable que la pensée majoritaire musulmane finisse par aboutir, mutatis mutandis, à une opinion semblable
à propos du Coran descendu du Ciel, à travers la cause
instrumentale qu’aurait été Mohammed, et demeurant le Livre incréé par nature.
Altération des Écritures
Selon Marcion (environ 85-160 ap. J.-C.), les Apôtres, hormis Paul, auraient altéré les Écritures laissant la part trop belle à l’Ancien Testament (cf. Tertullien, Contre Marcion, 1,
20, 1). En particulier, l’Église non marcionite se fourvoyait en le citant. L’épître aux Galates (cf. Ga 1, 8)
manifestait aux yeux de Marcion la résistance de Paul à cette
adultération.
Selon le Coran, juifs et chrétiens ont fortement altéré leurs Écritures qui diffèrent ainsi de la
révélation coranique, alors que les chrétiens font confiance
à leur mère l’Église assistée par l’Esprit Saint : « Pour ma part je ne croirais pas l’Évangile s’il n’était porté par l’autorité de l’Église catholique »
(AUGUSTIN, Contra epistolam
fundamenti, 5).
Jésus n’est pas Dieu
Pour les Ébionites (IIe-VIIe s.), à l’instar des
musulmans (sourate 5, 17.72), Jésus (Aïssa) n’est qu’un homme prophète, le Messie qui doit revenir à la fin des temps. On l’appelle alors le Mahdi chez les musulmans
chiites.
Pour les ariens, Jésus, grandement vénérable, n’est pas Dieu à
l’égal de Dieu le Père mais une émanation créée de celui-ci. Eu égard déjà à leur unitarisme absolu, l’arianisme fut ainsi le cheval de Troie de l’islam en
Occident.
Pour les chrétiens, innombrables sont les allusions ou les déclarations implicites relatives à
la divinité de Jésus dans le Nouveau Testament. Il y a même l’affirmation tout
à fait explicite de celle-ci : Jn 1, 14 ; [Jn 1, 18] ; Jn 20, 28 ;
Rm 9, 5 ; 1Jn 5, 20 ; Tite 2, 13.
Enfance de Jésus
Sur l’enfance de Marie, confondue avec la sœur de Moïse, le Coran a adopté la ligne du Protévangile de Jacques. Jésus parle au berceau, donne la vie à des oiseaux d’argile comme dans l’Évangile du Pseudo-Matthieu. L’Église s’est très tôt démarquée des apocryphes et refuse catégoriquement leur lecture
publique à l’église.
Jésus n’est pas mort sur la Croix
Pour Marcion, Christ, étant impassible, n’avait pas un corps matériel. S’il avait souffert, ce
fut de manière purement apparente (cf. Irénée, Adversus Hæreses, III, 16, 1). Pour Ptolémée et d’autres gnostiques le Sauveur ne pouvait que demeurer impassible et ne pouvait souffrir hormis « leur prétendu Christ psychique » (cf. Irénée, AH , I, 7, 2). Quant à Basilide, le gnostique, il précisait même que c’était Simon de Cyrène qui avait été crucifié à la place du Christ (cf. Irénée, AH,
I, 24, 4-5).
Pour l’islam, il y a eu pareillement substitution d’Aïssa (Jésus) par un mortel au moment de la
crucifixion (sourate 4, 157) ; Aïssa a été élevé au ciel directement (sourate
3, 55).
Commerce charnel entrepris au Ciel
Tertullien (décès vers 230-240 ap. J.-C.) imaginait, à l’origine, l’existence de commerce charnel entre le Ciel et des vierges terrestres. Il
s’appuyait sur un passage de l’Ancien Testament pour expliquer cette passion impure (cf. Gn 6, 1-4). Les anges apostats s’étaient enflammés pour des vierges terrestres (cf.
Tertullien, De idolatria, 4, 2 ; 9, 1).
Alors qu’il est décrié par les auteurs chrétiens comme une horreur, l’islam majoritaire rendra positif ce fait charnel au Ciel sur le modèle d’une récompense sensuelle pour des guerriers morts pour la cause de l’islam (sourates 55, 54-56
; 56, 12-40 ; 76, 12-22), bénéficiant selon les Hadîths de 70 vierges ou 72 (Al Tirmidhi, mort en 892). Même des théologiens musulmans orthodoxes les plus intellectuels comme Al Ghazali (mort en 1111) et Al Ashari (mort en 935) ont admis les
plaisirs sensuels au paradis. Cela est cependant remis en question par des
études syriaques réalisées par des non-musulmans (cf. Pseudo Christoph
Luxenberg).
Père E. Divry op
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